Code source sans code ? Le cas de l'ENIAC (Liesbeth De Mol)
Pour la prochaine séance du séminaire « Codes sources », nous aurons l’honneur de recevoir Liesbeth De Mol le mercredi 22 juin 2016, de 14h-16h, au LIP6. Vous trouverez ci-dessous davantage de détails sur ce séminaire.
L’exposé est intitulé : « Un code source sans code ? Le cas de l’ENIAC ».
Résumé :
Qu’est-ce qu’un programme ? Qu’est-ce qu’un code (source) ? Est-ce un « texte » susceptible d’une analyse littéraire ou plutôt quelque chose qui réside dans les circuit électroniques de l’ordinateur ? Est-ce un objet technique ou formel ? D’un certain point de vue, ces questions purement philosophiques ont peu à voir avec une réalité quelle qu’elle soit. Mais en informatique, ces questions sont au cœur de la discipline et les réponses qu’on leur donne déterminent des décisions qui affectent jusqu’à la législation des logiciels : selon qu’on voie le code comme texte ou comme programme exécutable, la législation qui s’applique est celle du copyright ou du brevet. Ainsi, aucune philosophie du code source n’est innocente et la prudence s’impose à ce sujet.
De nos jours, il est de bon ton de ne plus parler du matérialité du logiciel : même en histoire de l’informatique, la tendance est de se concentrer sur les logiciels et d’ignorer la matérialité dans laquelle ils sont ancrés. Cette tendance est le résultat d’une des technique les plus importantes de l’informatique : l’abstraction. C’est l’abstraction qui nous permet d’oublier ce qui est caché sous une interface et de rendre ainsi transparents les logiciels. C’est l’abstraction qui permet le développement de logiciels qui n’ont plus besoin de renvoyer au niveau inférieur. Sans abstraction, pas de vrais logiciels. Sans abstraction, pas de vrai « langage » de programmation. Sans abstraction, l’industrie ne serait pas capable de créer ce vers quoi tendent les abstractions industrielles, et que Dijkstra décrit ainsi :
« [T]he computer user, as functioning in the development of computer products is not a real person of flesh and blood but a literary figure, the creation of literature, rather poor literature. […] [H]e is most uninspiring. He is stupid, education resistant if not education proof, and he hates any form of intellectual demand made on him, he cannot be delighted by something truly beautiful, because he lacks the education to appreciate beauty. Large sections of computer science are paralyzed by accepting this moron as their typical customer. »
Dans cet exposé, je voudrais effectuer un mouvement inverse en allant de l’abstraction vers la physicalité des calculs, en étudiant une pratique où il n’y a pas de « code » qui puisse être « compris » par la machine. Au contraire, il s’agit d’une pratique où c’est l’être humain qui doit comprendre la machine alors qu’elle peut coder ces idées. C’est la pratique de l’ENIAC original – une des premières machines électroniques et programmables. Dans cet exposé, j’expliquerai comment la machine peut être programmée. Le but de tel exposé est d’interroger ce que veut dire « code source » du point de vue de la machine. Cela me permet non seulement de montrer le contexte original de l’abstraction mais aussi d’introduire un point de vue matériel pour lequel il n’existe pas de logiciels. Ainsi, le vrai but de cet exposé est d’aller contre la tendance de cacher l’entrelacement du code, de la machine et des humains en le rendant transparent.
Lieu :
Salle 24-25/405 du LIP6 (rotonde 24 ou 25, 4e étage)
Adresse :
4 place Jussieu, 75005 Paris métro Jussieu (lignes 7 et 10)